Chroniques
Feministe
Chers Inrocks....
09:00
Il y a deux jours,
je faisais défiler tranquillement mon fil Instagram quand je suis
tombée sur une publication des Inrockuptibles qui m’a fait
littéralement tomber mon téléphone des mains.
La publication en
question, c’était la photo de leur prochaine une : une belle
photo de Bertrand Cantat. Ex-chanteur de Noir Désir,
auteur-compositeur, beaux gosses ténébreux. Et accessoirement,
un homme condamné à 8 ans de prison en 2003 pour le meurtre de Marie
Trintignant.
Ni une, ni deux,
j’ai commenté :
« Exactement
ce que j’avais envie de voir en couverture… un meurtrier. Parce
que, finalement, ce n’est pas si grave que ça de tuer une
femme... »
Pourquoi ça m’a
choqué ?
Pourquoi une
réaction si viscérale qui m’a poussé à me joindre à la
vindicte populaire, si profonde qu’elle filé la nausée et qui
a laissé mes doigts tapoter sur mon clavier sans retenu pour
balancer mon dégoût comme une dingue hystéro que je ne suis
pourtant pas ?
J’ai réfléchi.
Bah en fait, c’était
assez simple : parce que je suis contre les violences faites aux
femmes. Period.
Ça s’arrête là .
Parce qu’à
l’heure où l’on apprends les violences et agressions sexuelles à
répétitions d’un magnat américain du cinéma, en voyant un tel
ou un tel pointé du doigt, parce qu’il savait, parce qu’elle n’a
rien dit, parce qu’ils ont conseillé de ne pas faire de bruit….
Au moment où on se dit que c’est quand même dingue que ça puisse
arriver à notre époque. Au moment où on est ahuri, de cette loi du
silence, de cette capacité qu’on certaines personnes à imposer
leur lois et à être au dessus de toutes morales...on se permet de
mettre un homme qui a tué une femme en couverture.
Est-ce qu’on ne
serait pas en plein dans l’hypocrisie ?
Je suis quand même
curieuse, je me suis dis, allons-y gaiement, peut-être qu’il se
répand en autoflagellation.
Ah mais non, en
fait, non. Pas du tout. Les Inrocks sont bien en train de donner la
parole à un mec qui a tué une femme. C’est bien ça. Faisons de
la publicité à un homme qui a frappé une femme afin qu'il puisse gagner plein d'argent, vendre plein de cds, remplir plein de salles de concert...
Je ne suis pas
une monstre, il est peut-être bouffé par la culpabilité, peut-être
que ça fait 15 ans qu’il ne dort plus, peut-être que sa vie est
un enfer.
Toujours est-il que
lui est en vie. Et qu’elle, elle est morte. Et que c’est pas
juste.
On me dit dans
l’oreillette qu’il a été condamné, qu’il a payé sa
dette. Je ne vais pas m’étendre sur la fait qu’il n’a
passé que 3 ans en prison. (et dans le fond, je ne suis même pas
pour la prison en fait, je trouve qu’enfermer une personne est la
meilleure façon de la rendre dingue et que c’est un traitement
inhumain...)
Mais la justice
n’est pas juste. La justice, c’est l’application de texte
théorique. La justice n’a aucun sentiments, aucun sens du respect.
C’est des maths, une action = une peine.
C’est aux Hommes
d’être justes, de savoir quand c’est bien de faire quelque
chose. Ou quand c’est mal de mettre en couverture d’un magazine
national « cool » la photo d’un homme qui a tué une
femme.
« Oui bon ,
d’accord, il l’a tué mais on n’était pas là, ils se disputaient, on ne sait pas
ce qu’il s’est vraiment passé... il a le droit de refaire
sa vie».
Un accident, c’est
quand tu renverses ton café, le matin, sur la chemise de ton
collègue. Ou quand tu annonces à ta pote par mégarde qu’on lui
avait prévu une soirée anniversaire surprise méga top secret. Je
n’ai jamais tué personne par accident (bon en fait, je triche, je
n’ai jamais tué personne du tout). Par accident, tu ne répètes
pas le même geste violent jusqu’à ce que mort s’en suive. On n'était pas là, en effet, on ne sait pas ce qu'il s'est passé mais le rapport d'autopsie lui est plutôt éloquent: «multiples lésions traumatiques de la face à coloration violacée avec fracture par éclatement des os propres du nez», «traces de prise ou de défense sur les avant-bras», «des secousses multiples et violentes»
Peut-être qu’ils
se battaient, qu’ils étaient deux, oui peut-être qu’elle l’a
cherché que c’est elle qui a crié en premier, qui a donné une
claque en premier. Mais comme je le dis à chaque fois que le sujet
de la violence conjugale reviens sur le tapis, de savoir qui a tapé
qui en premier, qui a provoqué :« a grands pouvoirs,
grandes responsabilité." C'est pas moi qui le dis, c'est le tonton de Peter Parker! Si ta pichenette a
la pouvoir d’envoyer contre la mur la tête d’une meuf, évite de
donner des pichenettes, c’est à toi qu’il revient de te
contrôler (putain de bordel de merde).
Il n’y avait
aucune excuse possible au moment des faits, il n’y a aucune excuse
aujourd’hui.
On laisse faire les
violents, on maintient un sentiment de honte du côté des victimes
et même une fois reconnu coupables par la justice on...on fait comme
si de rien n’était, en fait ! On oublie. Et c’est un
immense manque de respect pour la victime.
Pour les 123 femmes
qui sont mortes en Franceen 2016.
Pour toutes les
femmes à qui l’on continue de dire « c’est pas grave ».
C’est pas grave le
harcèlement de rue.
C’est pas grave le
harcèlement sexuel au travail.
C’est pas grave
d’être considérée comme un objet.
C’est pas grave de
se prendre une bonne claque.
C’est pas grave de
mourir.
Et messieurs (je ne
parle bien sûr pas de TOUS les hommes), dormez sur vos deux
oreilles. Rien ne pourra vous empêcher de faire la une des Inrocks.
Il est déjà
suffisamment difficile pour une victime d’oser parler, de porter
plainte, d’arriver à obtenir un verdict en son sens… d’autant
plus quand l’homme agresseur est une homme célèbre. On se
souvient d’Amber Heard qui était forcément une menteuse, de Bill
Cosby et des 58 (58!!) femmes qui ont dû témoigner contre lui avant
d’avoir une réaction...ou alors, il faut juste regarder la
montagne d’accusations qui est en train de tomber contre Harvey
Weinstein, de longues années après les faits…. Alors donner une
vitrine à un homme qui a déjà été reconnu coupable, c’est pour
moi, totalement cruel et irresponsable.
Permettre à cet
homme d’avoir une vitrine, c’est cautionner la violence dont il a
été capable, c’est insulter la victime mais c’est aussi
autoriser toutes les autres violence et cracher sur toutes les autres
victimes.
(On ne va pas se mentir, le type a du talent. J'ai été - je suis?- une grande fan de Noir Désir et Bertrand Cantat n'aura jamais de problème à remplir une salle de concert. Mais est-ce qu'au nom d'un talent, on a le droit de le mettre en avant en faisant abstraction de ce qu'il a pu faire? Au lieu de dire "laissez-le tranquille, il a payé sa dette à la société, il doit s'en vouloir tous les jours...." est-ce qu'on ne pourrait pas se mettre d'accord que c'est nous qu'il faut laisser tranquille? Que c'est la famille de la victime qu'il faut laisser tranquille? Que c'est chaque personne concernée par la violence qu'il faut laisser tranquille? Il s'en sortira très bien sans publicité, sans une dans les Inrocks... alors, oui, laissez nous tranquille.)
2 commentaires
les inrocks ont juste fait un coup, sans se soucier de ce qui est moral ou pas, bien ou pas, juste ou pas. Juste pour faire du fric et du buzz.
RépondreSupprimerPour le reste, je te rejoins assez... c'est indécent. et pourtant, une petite voix pourrie au fond de moi se dit que "pourquoi pas..." ... je n'aime pas cette voix... mais elle est là...
Je suis à la fois d'accord et à la fois pas d'accord, c'est un sentiment assez particulier. A la fois je te comprends et je suis d'accord : pourquoi lui donner une vitrine ? (comme dit La Carne, le fric, le coup, le buzz, et peut-être d'autres choses encore développées en coulisses) Et en même temps il a quand même le droit de refaire sa vie (ou alors on le met en prison pour toujours ou on rétablit la peine de mort). Il a le droit de continuer de vouloir une carrière, cet homme, parce que comme tu le dis peut-être qu'il s'en veut. Mais dans ce cas effectivement le problème ne vient pas de lui : le problème vient des media qui feront sa promo comme si de rien n'était, comme s'il était un chanteur, un homme, comme les autres alors que ce n'est plus tout à fait le cas.
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