Folle et inconsciente

Il m'arrive de passer des nuits blanches, la nuque moite et le dos parcouru de frissons, rien qu'en repensant à ce que j'ai fai...

Il m'arrive de passer des nuits blanches, la nuque moite et le dos parcouru de frissons, rien qu'en repensant à ce que j'ai fait il y a quelques années. Pas une action en particulier, plutôt un ensemble de situations. Des faits divers. Comme on pourrait en lire, tristes et tragiques, résumés en quelques mots, dans le coin d'un journal. J'ai peur de la personne que j'étais, de la personne que je peux redevenir à n'importe quel moment. Cette fille qui monte dans des voitures avec des inconnus, qui dort entre deux portes d'un immeuble, qui passe la nuit à déambuler dans une ville où personne ne l'attend, qui embrasse une fois la première bière évaporée, qui se saoule jusqu'à danser sur la table et qui rentre seule, pieds nus, au petit matin, qui s'enfonce dans des trains sans connaître les destinations.



Je me dis qu'il y un million de choses qui auraient pu mal tourner et que c'est presque un miracle que je n'aie pas fait de mauvaise rencontre, qu'on ait pas retrouvé mon corps dans un fossé, sur le bord du périphérique. Je me mords l'intérieur des joues et lui filerais bien une paire de claques à cette fille, histoire de la faire redescendre sur terre, qu'elle ouvre les yeux, qu'elle réalise un peu à quel point elle fout sa vie en l'air. Je pense à mes parents, à l'inquiétude qui a marqué leur front et qui a gardé leurs yeux ouverts au milieu de la nuit. Au coup de téléphone qu'ils auraient pu recevoir. Et j'ai la nausée.

Je ne sais pas exactement à quel moment j'ai changé et je ne sais pas pourquoi ça s'est passé. Je ne sais pas à quel moment c'est devenu moins drôle. A quel moment un regard un peu trop appuyé ou un homme qui danse un peu trop près m'ont rendue nerveuse. Je ne sais pas quand les mots aventure, romantique, spontanéité se sont transformés en glauque, triste et pathétique. Je crois juste qu'à un moment donné, il n'y a eu plus rien à oublier, à noyer, à enterrer sous de folles histoires. J'ai filé un grand coup de ciseau dans le fil sur lequel je marchais, j'en ai fais une pelote et je l'ai jetée par dessus mon épaule, sans me retourner.

Mais parfois aussi, ce qui me tient éveillée, c'est une autre peur. Celle que tout ça soit fini, derrière moi pour de bon. Une page tournée. Froissé le journal, déchiré en petits morceaux. J'ai peur d'être vieille. Vieille et conne et pleine de barrières. J'ai peur de me fondre dans mon canapé à force d'y passer mes soirées. J'ai peur de ne plus ressentir ce frisson, cette sensation de liberté quand absolument rien ne nous retient, ni la crainte, ni le regard des gens que l'on connait, ni même la honte. Elle n'existe pas la honte quand on est folle et inconsciente. 
Il n'y a que la caresse de la nuit sur la peau.




Vous pourriez aussi aimer

19 commentaires

  1. Je ne me lasse pas de te lire ! Juste envie de te le dire ^^
    Bisous !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est super gentil, merci!
      Je sais que je ne suis pas très régulière en ce moment :-/

      Supprimer
  2. Il faut que tu m'expliques ton secret. Ce billet c'est moi qui l'ait écrit, non ? ;-) Trêve de plaisanterie, tu trouves les mots justes, je me suis revue il y a quelques années et je me revois quand moi aussi, je peine à trouver le sommeil (la sérénité peut-être aussi) en repensant à tout ce "passé"...

    RépondreSupprimer
  3. Mon premier commentaire est passé à la trappe alors je vais retenter le coup ! Donc, tu as posé des mots très justes sur ce genre d'expérience, ça me parle énormément ; à vrai dire, si j'avais ton talent, je pense que j'aurais écrit le même texte à la virgule près ! J'espère, pour nous deux, que les "nuits blanches" deviendront plus rares parce que se retourner sans cesse sur le passé, ce n'est pas toujours très agréable... Et parfois aussi, je me dis que c'était "chouette" parce que dans ces moments là, il n'y avait aucune honte, comme tu le dis si bien. (j'espère avoir été compréhensible)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Finalement, les deux sont passés ;-) Ca me touche toujours de savoir qu'un de mes textes peut toucher quelqu'un et que tu t'y reconnais. Je pense que c'est le fait d'être maintenant bien posée qui fait re-sortir tout ça (enfin pour moi en tout cas!)

      Supprimer
  4. Tu écris magnifiquement bien...

    RépondreSupprimer
  5. un plaisir de te lire et de partager certaines pensées en commun.

    RépondreSupprimer
  6. J'aime tes mots ... tous plus vrais les uns que les autres !!
    comment ne pas s' y reconnaître ??

    RépondreSupprimer
  7. Je me retrouve dans ton texte. Qui est très très bien écrit. Comme toujours.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @So @escapadesamoureuses @Ophelie @Fay
      Merci, vous me faites rougir ;-)

      Supprimer
  8. ça me parle tellement!! c'est fou!! l'avant, le maintenant, l'après! cette chance que j'ai eu d'arriver à mon âge sans gros drame malgré mes inconsciences... et cette peur, parfois, que tout ça soit bien fini... que le reste de ma vie ne va être qu'un long et ennuyeux fleuve tranquille...

    RépondreSupprimer
  9. C'est très bien écrit, comme à ton habitude :)
    Contrairement aux autres, je ne me retrouve pas du tout dans ton commentaire, car j'ai 22 ans et je n'ai jamais été ni fille ni inconsciente. J'ai toujours fait selon les conseils de prudence que mes parents m'ont répété. Alors ton premier paragraphe me donne envie de partir à l'aventure moi aussi, et de me sentir libre...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour tout te dire, je ne regrette ABSOLUMENT rien (même les bêtises!) ;-) mais c'était un état d'esprit particulier...

      Supprimer
  10. Ce n'est pas devenir vieille, je crois que c'est devenir adulte tout simplement... Fini l'inconsciente de l'adolescence. Ça nous rend nostalgique parfois et notre vie est peut-être (sûrement) moins fun, mais elle est forcément mieux dans d'autres domaines aussi. C'est juste un autre chapitre.

    J'ai été exactement comme toi, tout ces situations dont tu parles, je les ai vécues aussi.
    Mais aujourd'hui, je ne regrette pas tout ça. Car même si, effectivement, ça aurait très bien pu mal tourner un bon millier de fois, ça n'est pas arrivé (heureusement), et cette insouciance a fait que j'ai pu vivre bien des choses que je n'aurais pas vécues si à l'époque si j'avais été plus raisonnable...

    Je ne sais plus qui a dit "Si vous trouvez l'aventure dangereuse essayer la routine, elle est mortelle" je pense que ça s'applique plutôt bien...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour la gamine que j'étais, c'est bien être vieille d'un coup ;-)
      Mais comme tu le dis, ce n'est pas mieux ou moins bien, c'est juste différent!

      Supprimer
  11. J'aimerais que tu réalise à quel point tu géniale de mettre des mots sur nos maux mots, et ceci est à mon sens ton meilleur texte.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ben, en fait, je sais pas quoi dire... je suis flattée, merci!

      Supprimer
  12. Très bien dis.
    J'ai connus ce que tu dis, même si ça ne m'a jamais empêché de dormir.

    RépondreSupprimer