Ecouter le silence

La plupart des gens n'aime pas le silence. Ca les met mal à l'aise, nerveux. Les ongles tapotent le bord du verre, les talons batte...

La plupart des gens n'aime pas le silence. Ca les met mal à l'aise, nerveux. Les ongles tapotent le bord du verre, les talons battent le sol frénétiquement. Et bien souvent, les téléphones intelligents servent à donner une contenance. Et à vite trouver un nouveau sujet de conversation autour de la table.
"Oh regarde Machin a posté une nouvelle photo!"
"Ah oui? Génial..."
 Moi, j'aime bien le silence. En fait, j'aime tellement le silence qu'il m'arrive de m'y perdre totalement, comme si j'avais des absences. Et souvent, la réalité me frappe à mon retour, comme si je sortais d'un rêve, j'atterris au milieu d'un repas ou d'un long trajet en voiture, les yeux écarquillés avec la curieuse envie de demander "Qu'est-ce qu'il se passe? Qu'est-ce qu'on fait là?". Et je me rends compte que je n'ai pas ouvert la bouche depuis une éternité. Il parait que ce n'est pas poli. Non, ce n'est vraiment pas poli. Quand j'étais petite, je recevais un petit coup de coude dans les côtes et on me murmurait à l'oreille, "mais dit quelque chose, bon sang!". Ca sonnait comme une menace. Dire quelque chose. Mais dire quoi? Demander au voisin de table s'il a remarqué les taches de rousseur de la serveuse et comment les miettes de pain éparpillées sur la table croustillent à chaque fois qu'il tend le bras pour attraper son verre, lui expliquer qu'il y a une odeur de tabac froid accrochée à mon foulard, qu'en temps normal je dirais que ça pu franchement mais, qu'à cet instant précis, ça me fait penser à mon grand-père et que ça me fait sourire. De l'autre côté de la vitre, sur le trottoir, il y un banc. J'aurais presque envie de lui dire, que ces bancs publics, je les aime. Et les courageux qui osent stopper leur marche rapide pour s'y asseoir et ne simplement rien faire pendant un instant, je les chéris. Et instantanément, j'ai du Brassens dans la tête. Comment pourrait-il en être autrement.
"Ah tiens, il va surement pleuvoir demain!"
"Ah..."
Changement d'application.
Est-ce que, s'il tourne la tête et regarde à travers la vitre, il pensera à une chanson? Il tend les bras pour s'étirer, les articulations de ses doigts craquent. Puis c'est à un coin de la nappe en papier qu'il s'attaque, il la déchire en petits morceaux en dessus de son assiette vide. Il est nerveux, ses mains doivent s'activer comme les mots pour combler un vide angoissant. Mieux vaut parler pour ne rien dire et bouger pour ne rien faire que d'admettre que le temps peut s'écouler sans notre intervention. Mais il oublie que, si on l'écoute, le silence à de belles histoires à nous raconter.


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7 commentaires

  1. En bonne amoureuse du silence, je chéris ton article au plus haut point !
    Quand est-ce que les gens comprendront que le silence est un bonheur, un bienfait plutôt qu'un ennemi? Quand arrêteront-ils de nous bombarder de musique dans les magasins, les restaurants, de bruits dans la rue et même dans nos maisons?

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  2. Zut, je t'avais écrit un commentaire mais apparemment y a eu un bug et il ne s'est pas envoyé (et évidemment j'avais pas fait ctrl + C pour la première fois depuis six ans). Bref, j'avais donc écrit :
    J'aime ce texte. Je déteste cette pression de devoir toujours à tout prix dire quelque chose. Moi, ce que j'aime, c'est écouter les autres, les gens, ce qu'il y a autour. Mais si toi-même, tu ne parles pas, il ne faut pas longtemps avant que quelqu'un (même un ami !) te demande : "ça va ?" ou "t'as l'air fatigué" (la remarque que je hais le plus au monde). Non, je suis pas fatiguée, j'ai juste rien d'intelligent ou de nouveau à dire, là tout de suite maintenant, alors je préfère me taire que de parler pour parler. Mais quand on ne parle pas, on a l'impression que les autres nous prennent pour quelqu'un de pas intéressant ou de hautain.
    A part ça, je lis ton blog depuis peu et je tiens à te dire que j'adore ta plume. C'est un régal. J'ai notamment dévoré "l'Histoire", un soir, tard, toute seule sur mon canapé, dans le noir - et le silence.

    Bon, là j'ai fait ctrl + C, j'envoie, j'espère que ça va marcher.
    www.mawajane.com

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  3. Je suis aussi une amoureuse du silence. Et mes plus beaux moments partagés sont ceux autour d'un café, ou couchés sur l'herbe, ou à regarder les flammes crépiter ... en silence. Parfois, avec un ami, nous nous retrouvons: il dessine sur les dessous de verre, et moi, je l'observe, sans un bruit. J'adore ces moments-là!

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  4. Superbe texte, en tant que pipelette ça me donne envie d' essayer et d écouter ce silence :)

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  5. Bravo pour ce magnifique texte. Je m'y suis retrouvée par endroits. Le silence pour se (re)construire et revenir plus forte vers les autres

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  6. Rhoooo le silence ... un son tellement agréable et paisible ;)

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