Bienvenue au club

Tu sais à quoi je ressemble. Sans rien. Sans maquillage. Sans culotte. Les cheveux détachés et les bras le long du corps. Tu connais la ...

Tu sais à quoi je ressemble.
Sans rien. Sans maquillage. Sans culotte.
Les cheveux détachés et les bras le long du corps.
Tu connais la chaleur de ma bouche, le parfum de ma peau, le goût de ma transpiration. Tu as vu mes grains de beauté. Tu les as sûrement oubliés. Tu m'as vu jouir. Les yeux fermés, la bouche entrouverte.Tu m'as vu suffoquer et rougir. Pendant un instant, tu as été au plus près. Tu as été l'intimité.
Pendant un instant, tu as été le seul.

Bienvenue au club.



Il y a ce que tu vois et ce que tu choisis d'ignorer.
Il y a ce que tu devines et ce que tu ne sauras jamais.
Tu sais que mes mains s'agrippent plus fort à ta nuque quand je suis sur le point de jouir mais tu ne sais pas si c'est une habitude. Un réflexe. Ou si c'est juste avec toi. Juste là.
Tu m'as vu nue. Tu as été en moi et tu as aimé ça. Mais tu ne m'as jamais vu pleurer.
Tu ne m'a jamais vu manger une salade. Attendre le bus, debout dans la rue. Tu ne m'as jamais vu me ronger les ongles ou me coiffer. Tu ne m'as jamais vu en plein jour, à la lumière du soleil.
Tu connais ce que peu savent. Mais tu ne connais pas l'essentiel. Tu ne me connais pas.
Tu as rejoins le club, peut-être pas si fermé, des hommes qui n'ont vu nue. Et je ne t'ai jamais revu.
Deux personnes ne devraient pas pouvoir se voir nues et disparaître au petit matin, se fondre dans la foule. Quand je déboutonne ta chemise, je me dis que la nudité devrait donner droit à plus. Car à chaque fois, j'ai eu envie d'en savoir plus. Où tu as grandi. Comment tu étais au lycée. Si tes parents sont en bonne santé. Et ta couleur préférée, c'est quoi ta couleur préférée? Il y a l'urgence de tout avaler, emmagasiner des détails, des sons, des couleurs. L'ivresse du souvenir, l'hypocrisie de désir, la violence de l'envie. Je veux tout savoir, là, et être la seule. Je veux que tu fasses partie de moi. Et puis tout s'évanouit.
Faire l'amour est voyager au bout du monde. Se rhabiller est tout oublier. Tu t'endors, je promène le bout de mes doigts sur tes épaules. Et je me fous de ton nom. Peut-être pas aujourd'hui. Mais sûrement demain.

Ils tiennent sur une main (ou plutôt trois ou quatre) les hommes à m'avoir vu nue. Ce n'est presque plus de la rareté. Et il parait qu'il n'y a que ce qui est rare qui est précieux. J'ai peut-être tout gâché. Mais sur toutes les personnes que l'on croise dans une vie, celles à qui l'on sourit, celles que l'on frôle, celles avec qui l'on partage les trois heures d'un Paris-Genève. Les coups de coeur. Les coups de foudre. Les coups d'un soir. Ce n'est vraiment pas grand chose. Finalement, pas grand monde.
Un petit club secret.

Puis le club le plus prisé, c'est celui de ceux qui me voient aimer et qui me voient vivre. Et dans celui-là, il n'y a qu'un membre attitré. Président, trésorier, gardien des clés. Un homme adoré.


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9 commentaires

  1. Je ne sais pas pourquoi mais ce texte me touche particulièrement... Je sais pas, c'est beau, intime et touchant et ça m'a donné une bouffée d'air qui m'a fait du bien =)

    <3

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  2. très beau et très vrai. Se donner sexuellement est parfois moins personnel que de s'ouvrir à l'autre

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  3. Non, je ne suis rien de tout ça :)

    En tout cas, très bien écris.
    On ressent des choses en le lisant (mais je ne saurais pas dire lesquels)

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  4. J'adore ! C'est très bien écrit et je me reconnais pas mal à travers ton texte.

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  5. Ce qui est rare est précieux mais surtout dur à trouver... Du coup ne pense pas que tu est gâché quelque chose, c'est juste que tu le cherche passionnément... Merci pour cet article que je n'oublierais jamais!

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  6. Exact. A tel point que quand j'arrive à en savoir un peu sur celui qui finira finalement dans mon lit, j'en viens finalement à me dire qu'il aurait pu raconter n'importe quoi sur sa vie, que ça aurait été pareil. On n'en saura jamais plus que ce qu'ils ont bien voulu nous dire entre le moment où il passe la porte et le moment où l'on se retrouvez au lit. C'est comme ça que j'arrive à me demander si ce gars de 20 ans qui m'a raconté qu'il avait enterré ces 2 parents, ne m'aurait pas menti pour m'apitoyer... Oui je suis grave. ^^
    On se connaît tellement et à la fois tellement pas, c'est ça qui est spécial aussi dans ce type de relation.

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    1. Oui, c'est vraiment à la frontière entre le totalement dérisoire (strictement physique) et en même temps quelque chose d'unique qui ne se partage pas avec tout le monde.
      Mais repenser à ce qu'on a pu me dire, je préfère pas ;-)

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