Je suis une femme battue (2)

Après avoir écrit ce texte , j'ai eu mal au crâne. Le même mal de crâne que quand on a trop crié. Un soulagement, une chute de press...


Après avoir écrit ce texte, j'ai eu mal au crâne. Le même mal de crâne que quand on a trop crié. Un soulagement, une chute de pression, je ne sais pas trop. J'ai tiré tous les rideaux et je suis allée me coucher, mais je n'arrivais pas à dormir. Parce que je n'avais pas fini. Pas tout à fait. J'envie envie de continuer à parler sans savoir quoi dire exactement, et encore moins comment le dire.
J'avais envie de raconter comment "ça" avait pu se produire.
Il y a eu des signes. Des signes que je n'ai pas vu ou que je n'ai pas voulu voir, des choses que je n'ai pas su interpréter. C'est un peu ridicule et ça ressemble à des citations de cookies fortune, mais aujourd'hui, avec le temps, je ne suis créée un petit manuel, un guide de survie à l'usage des filles un peu trop romantiques ou un peu trop idéalistes ou un peu trop paumées (c'est à dire moi).
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Quand je l'ai rencontré, il n'a pasdit "Bonjour, je suis un psychopathe mal dans ma peau, abandonné par mon père quand j'étais petit, avec de gros soucis d'autorité, de violence et de confiance en moi".
Mais il a quand même prononcé des phrases qui m'ont donné des frissons dans le dos. Il a dit " Je ne crois pas en la famille", "les gens mentent tous, tout le temps" et un peu plus tard "Si quelqu'un te touche, je prends ma batte, je lui éclate les deux genoux et je le tue." Il l'a dit sans cligner des yeux, avec une froideur effrayante. Et j'ai su qu'il le croyait vraiment.
Un homme ne doit pas te faire peur. Ou même juste te faire sentir mal à l'aise. Même un peu. Ce n'est pas NORMAL.

Il n'a pas pris mon visage pour un punching-ball ball, la première fois où l'on s'est retrouvé tous les deux.
La violence a commencé tout doucement. D'abord, il a jeté son ordinateur par terre après avoir perdu à Fifa. J'ai été impressionnée. Et j'ai aussi trouvé ça très con. Mais je n'ai rien dit.
Une fois, il m'a laissé toute seule dans une gare parce que sa carte de crédit venait d'être avalé et qu'il était en colère. J'aurais dû partir sans lui et monter dans le premier train. Au lieu de ça, j'ai erré dans la gare en attendant qu'il veuille bien donner signe de vie. Quand il est revenu, j'avais tellement eu peur qu'il lui soit arrivé quelque chose que j'ai oublié de lui dire que c'était un connard.
Puis un jour, le coup de point de rage n'a pas eu pour cible le mur mais mon ventre. Mais il fallait que je sois forte, c'est lui qui avait des problèmes. Il fallait que je dédramatise, que je le réconforte, que je lui dise "c'est pas grave".
Tu n'es pas une infirmière.
Puis un corps ce n'est rien. J'en étais arrivé à me persuader que ce n'était rien, que de la chair qui saigne et des cheveux qu'on arrache, ce n'est qu'une enveloppe. Et de toute façon, j'ai plutôt une bonne résistance à la douleur.
Tu n'es pas robocop.
C'est lui qui est à plaindre. Artiste torturé. Incompris. Frustré. Il a besoin de moi. Un jour, ça ira mieux. Je peux me sacrifier pour lui. Un jour, il me remerciera d'avoir toujours été là.
Tu n'es pas la Sainte Patronne des laissés-pour-compte.
Tu ne passes pas en second. Pas après lui.

Il ne m'a pas subitemment empêché de voir ma famille et mes amis. Il a attendu que je me plaigne, une seule fois, sur un truc stupide, après un week-end à la maison parentale « je dois toujours faire à manger pour tout le monde quand je suis là-bas ». Plainte puérile.
Il a attendu le meilleur moment pour détourner mes paroles et lâcher un «tu ne vois pas qu'ils ne t'aiment pas, tu l'a dis toi même l'autre jour». Il a attendu que je suis suffisamment épuisée pour le croire.
Personne d'autre que toi ne critique ta famille.

Il te raconte qu'il n'a pas confiance, que toutes les femmes sont des menteuses aguicheuses, des pieuvres vénéneuses. Elles l'ont toutes trompé et trahi. Ses exs, c'est bien simple, toutes des putes. Aujourd'hui, il parle sûrement de moi de la même façon.
Un homme qui ne respecte pas les femmes, ne te respectera pas.
Tu n'es pas l'exception. Il n'y a pas d'exception. Jamais.

Le dernier point, ne concerne que moi. Parce que je suis aussi, un peu, responsable. Je l'ai laissé faire, j'ai fait semblant, j'ai dit «rien n'est grave». Même si j'ai dépassé le stade de la culpabilité, j'ai compris le rôle que j'avais joué dans cette pièce sordide. Je n'étais pas bien quand je l'ai rencontré. J'étais fatiguée, je ne sentais moche, je ne pensais pas mériter mieux. Je mis entre ses mains toutes les cartes pour que ça arrive. J'ai abandonné. Je lui ai dit «fais de moi quelqu'un d'heureux». Il avait un autre projet.
 Avant de vouloir être bien avec quelqu'un, tu dois être bien avec toi-même.

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1 commentaires

  1. Il m'est arrivé la même chose à peu près. Ca a commencé très subtilement aussi. A la fin, pendant des disputes, sous couvert de me "retenir" alors que je voulais quitter la maison, c'était des empoignades qui me laissaient des bleus sur les bras. Un jour il m'a projetée sur un mur en pleine rue le soir. Je m'y suis écrasée comme un pantin. Puis, un jour, une poussée m'a fait tomber sur le crâne et perdre connaissance. Il aurais pû me tuer. Moi aussi ça m'a pris du temps; mais je l'ai lourdé.

    Le pire je crois, ce sont les "amies" a qui tu racontes ça des années après et qui haussent les épaules en disant "T'es trop conne d'être restée avec lui ma pauvre. Moi jamais on me fait ça."

    Si seulement c'était aussi simple. Mais ces personnes te manipulent tellement bien qu'elles arrivent à te faire croire que c'est de ta faute. Enfin, on en est sorti et c'est l'essentiel.

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