Mes vieux amants

Ils sont plus vieux mes amants de dix, quinze ou vingt ans. Ils sont morts maintenant. Et je prends des p'tits jeunes pour amants...

Ils sont plus vieux mes amants
de dix, quinze ou vingt ans.
Ils sont morts maintenant.
Et je prends des p'tits jeunes pour amants
quand j'ai l'air suffisamment en vie
 et que j'leur fais envie.
J'leur parle de mes vies dans vos bras
grands, forts, jamais maladroits,
assurés et rassurants.
Mes aventures avec des aventuriers
mes nuits tristes avec les artistes
et les musiciens, les musiciens toujours.
Ceux qui savent parler de l'amour
qui dure une vie ou même un jour.

De tous, je me souviens.
Dieu, que c'était bien.
J'étais jeune et sublime.
Ils m'aimaient candide,
folle et pleine d'espoir
quand je venais les voir,
le soir.
Ils étaient tous vieux mes amants.
Je les aimais pourtant.
Je les aimais tout le temps.
Déterminés, sûrs d'eux,
à en crever une fois sur deux.
Dieux qu'ils m'ont fait souffrir
à en vouloir mourir.
Dieu que c'était violent,
j'y ai perdu mes dents
de lait et de sagesse,
mais j'ai frôlé l'allégresse.
 Dieu que s'en en valait la peine,
pleurer pour l'homme qu'on aime.


Gosses et alliance au doigt,
ils avaient déjà tout ça.
Je n'y ai pas eu droit,
mais il y avait le reste.
Mais il y avait les fêtes.
Moi, j'ai léché les miettes.
J'ai dansé sur leur tête.
J'ai mangé dans leurs mains.
Et au petit matin,
j'ai dormi sur leur tombe.
Que leur femme nous pardonnent.

Ils étaient tous vieux mes amants.
Ils sont morts maintenant.
Et la vieille, c'est moi
mais, j'y repense et j'ai l'éclat
de l'amour de mes vingt ans
quand j'étais une enfant.
Et eux des hommes déjà.
Les p'tits jeunes me regardent
et je suis sure de moi.
Et ils m'aiment déjà.
Ils m'aiment un peu parfois
et puis je les renvoie
aux filles de leur age
qui n'sont déjà plus très sages.



Je les regarde du bord
du monde, je guette la mort.
Qu'elle me ramène à vous!
Que j'me jette à vos cous!
Que j"vous fasse rire, que j'vous amuse!
Refaites de moi votre muse,
mes amants des doux temps.
Mes amours de tout temps.
Qu'on refasse l'amour,
qu'on le crée, qu'on le tisse.
Qu'il nous chauffe, qu'il attise
les plus beaux souvenirs
qu'on n'a pas vus venir.
Qu'on n'a pas su r'tenir...
Oh vous, mes vieux amants,
faites de votre mieux.
Attendez-moi un peu,
oh vous mes vieux amants,
encore dix, quinze ou vingt ans.


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