Heureuse

Emmitouflé dans son manteau, il dépose un baiser sur ma joue avant de partir. J'allonge les bras pour le retenir un instant. Je me pend...

Emmitouflé dans son manteau, il dépose un baiser sur ma joue avant de partir. J'allonge les bras pour le retenir un instant. Je me pends à son cou, il sourit. Je l'embrasse. Il s'éloigne dans le couloir, je reste là, à le regarder, perchée sur la pointe des pieds. Et quand la porte se referme sur lui, il rit parce que je viens de lui lancer une connerie.
Pendant qu'il part acheter du café en urgence, je commence à vider le lave-vaisselle, et alors que j'attrape une assiette, ça me frappe. D'un coup, sans prévenir. Comme une évidence cachée sous mon nez depuis le début. Sous la poussière, les gravas et les années. Fille compliquée. En chantier.
Mais là, ça me frappe et je prends une seconde pour le formuler en me mordant la lèvre inférieure.
Je laisse glisser l'assiette au sommet d'une pile déjà vacillante.
La porte du placard claque bruyamment.
Je jette le torchon sur mon épaule.
Je suis heureuse.



Je suis heureuse, c'est aussi simple que ça. Aussi simple qu'un lave-vaisselle qui se vide. Et aussi simple qu'un baiser de l'homme que j'aime.

J'ai dû laisser le passé me convaincre parce que je crois bien que le présent m'a surprise. J'ai cru que ça n'arriverait jamais. Pas par pessimisme ou goût pour le tragique, plus par lassitude, par fatigue. J'avais oublié que ça existait. Et surtout, j'avais oublié à quel point il est simple et doux, le bonheur. A quel point il se laisse aller. Il traine dans les assiettes sales de la veille et dans les verres que j'installe sur la table. Il traine dans les longues soirées et dans les petits-déjeuners. Comme si de rien n'était.
Et j'entends le présent glisser sa clé dans la serrure de la porte d'entrée.
"J'ai pris des croissants!"
Et ça suffit à me faire sourire.

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