Le jour d'après

(Suite de ça et ça ) Je suis rentrée chez moi en pensant à autre chose.  Quatre heures de train pour traverser la France, ça laisse ...

(Suite de ça et ça)

Je suis rentrée chez moi en pensant à autre chose. 
Quatre heures de train pour traverser la France, ça laisse le temps de s'égarer. En fait, je ne pensais pas à ma journée avec J.. Lui , tout ça, c'était trop beau pour être réel. Même pour moi, rêveuse, idéaliste, stupide amoureuse, niaise romantique. C'était un rêve éveillé. Et je n'imaginais pas qu'il puisse y avoir une suite à notre rencontre, à nos conversations, à son clin d'oeil, à son étreinte.
Alors que perdre ma virginité dans le camping d'un festival avec un inconnu, bizarrement, ça me semblait assez réel et à propos.
En fait, je pensais à la première fois où j'avais eu mes règles, et je sentais que cet autre événement allait se passer de la même façon. Sans grand bruit. Sans fanfare. Sans feu d'artifice. Une petite victoire sur la vie. Grandir. Survivre.
La première fois que c'est arrivé, je n'ai rien dit à personne. Je n'ai rien senti, ça a duré deux jours,j'ai piqué des serviettes hygiéniques dans le tiroir de ma mère puis c'était fini. Et j'ai prié pour que mon corps se contente de cette seule démonstration.
Un mois plus tard, une crampe terrible dans le bas du ventre et je me suis évanouie d'un coup. J'ai bien été obligé de le dire à ma mère qui se tenait, toute excitée, dans l'encadrement de la porte de ma chambre. "Je le savais, je le sentait", elle a dit. Avec fierté, je crois bien. Je n'ai pas eu le coeur de lui dire qu'elle ne savait pas et qu'elle ne saurait probablement jamais.
On n'a pas eu la grande discussion. Les garçons. Les règles. Le sexe, peut-être. On aurait pu. Sauf qu'elle n'a rien dit. Ni là, ni jamais. Et je n'ai jamais posé de question.

Dans ce train qui me ramenait chez moi, je me disais que c'était dommage, j'aurais bien bu un verre avec quelqu'un. J'aurais bien trinqué à feu ma virginité. Je sentais bien qu'il s'était, quand même passé un truc, que le monde n'était pas tout à fait le même. Un peu plus grand, plus vaste. Et c'était dommage de faire comme si ce monde n'existait pas. Mais voilà, ma mère est prude ,mal à l'aise par essence et a pour leitmotiv que «ce dont on ne parle pas, n'existe pas ». Forcement, ça rend les choses plus simples. Et je n'aurais jamais fait le premier pas vers elle. Dommage que Bukowski soit la seule personne à m'avoir jamais parlé de sexe.

Je suis rentrée chez moi, on m'a demandé comment c'était passé mon weekend. "Très bien", j'ai dit. Je me suis enfermée dans ma chambre et j'ai éparpillé sur le sol mon pass vip, la contremarque des entrées, le bandana que j'avais gardé tout le weekend noué au poignet, le petit carton qui notait l'emplacement de ma tente au camping, ma paire de converse déchirées. 


C'était l'été de mes 18 ans qui se terminait, j'attaquais la fac à la rentrée. J'ai regardé tout ces objets, ces reliques, comme rescapés d'une fouille archéologique. Méticuleusement étalés, comme sur une scène de crime, les preuves que ça a avait bien eu lieu. Le passé à conserver pour le futur. Et je les ai pris en photo avec la dernier pellicule qu'il restait dans l’appareil jetable. Le film s'est rembobiné pendant un long moment dans un bourdonnement mécanique et saccadé. Il remontait le temps jusqu'à mon enfance.

Deux jours plus tard, j'ai reçu un mail de J. Il n'y avait rien d'écrit, juste une pièce jointe. La barre de téléchargement a mis une éternité à se remplir. Puis, j'ai enfin pu voir de quoi il s'agissait: un flyer de son prochain concert en France. A Paris, en septembre.

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7 commentaires

  1. Et bien dis donc, c'est digne d'un bon film! :)

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    1. @Unicks @Marjorie @evi: Merci merci :-) La suite bientôt!

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  2. En effet quelle aventure !!!

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  3. Est ce que tu vas écrire la suite de l'histoire avec J ? :)
    Je sais que ça fait longtemps que tu n'as pas écrit d'article mais j'espère un jour que tu reviendras :)
    Tu as vraiment un talent pour l'écriture.

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  4. Est ce qu'il y aura un jour la suite de cette histoire ?
    J'attends avec impatience depuis 3 ans aha j'espère que la motivation d'écrire te reviendra parce que tes textes manquent beaucoup :)

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