alain bashung
amour
meilleur ami.
La nuit je mens
18:53
Ma mère se souvient du
jour de la mort de Brassens, parce que quand elle a entendu la
nouvelle à la radio, elle était entassé dans une R5 avec ses
frères et soeurs, en route vers l'enterrement d'un oncle lointain.
Il y a des événements
éloignés de notre vie qu'on couple à d'autre, plus important, et
sans le savoir, on s'en souvient toute une vie.
Je me souviens du jour où
Bashung est mort parce que c'est le jour où j'ai perdu mon meilleur
ami.
Je pourrais aussi dire
que c'est le jour où j'ai enfin eu la présence d'esprit de quitterle connard. Mais comme son nom l'indique, c'est un connard. Et à
chaque fois que j'écoute du Bashung, c'est à mon meilleur ami que
je pense. Pas à lui. Même si je n'ai pas parlé à mon meilleur ami
depuis près de trois ans.
Je venais donc de quitter
le connard. Il me menaçait par téléphone de débarquer chez moi à
chaque instant. Et j'avais peur de le croiser à chaque coin de rue.
Je n'avais pas juste peur. J'étais pétrifiée. Bouffée d'angoisse.
Mais en même temps, comme quand on survit à quelques chose de
violent après avoir serré les poings jusqu'à avoir l'emprunte des
oncles incrustée dans la paume, les nerfs lâchent. J'avais envie de
détendre tous mes muscles. De sauter sur le lit et de tout envoyer
baladé avec le sourire. J'y avais survécu.
Et dans le rayon alcool
de cette supérette de quartier, à côté de mon meilleur ami, je
sautille en souriant. On choisit les différentes bouteilles qui vont
nous permettre de nous mettre la tête à l'envers le soir même. Je
veux fêter ma nouvelle liberté, avec lui, l'ancien ami de lycée
devenu confident du quotidien. Et lui, je ne sais pas trop ce qu'il
veux fêter. Peut-être juste le fait qu'on se retrouve après une
longue période d'éloignement géographique. On rentre dans son
appartement de la cité universitaire de la Timone, les bras chargés.
Et quand on se retrouve tous les deux assis sur son lit, je me rends
compte, qu'en fait c'est la première fois qu'on va passer la soirée
rien que tous les deux. On a toujours été très proches mais en
trio. Avec un autre ami qui je connais depuis le collège. Pour tout
dire, un ami dont j'étais amoureuse au collège (comment ça, c'est
compliqué?). Les sorties au ciné, les parties de billard, les
soirées à squatter les bancs publics ou les bureaux à côté du
radiateur, au fond de la classe, ce n'était pas juste tous les deux.
C'était à trois. Du coup, il ne pouvais y avoir aucune ambiguïté,
à trois il n'y a pas de couple. Que des amis.
Et ce soir-là, on est
comme perdus. Un tabouret bancal. On a dû mal à commencer nos
phrases et je suis gênée d'être assise sur son lit, tout à côté
de lui. Alors, comme à chaque fois que je suis gênée, j'en fais
des tonnes. Je me lève, touche à toi, me penche par la fenêtre,
commence à ouvrir toutes les bouteilles et à faire des mélanges
improbables. Puis j'allume la télévision. Le journal de 20h. Et
l'annonce du décès d'Alain Bashung. Pas vraiment une surprise après
avoir vu son état de santé, sa difficulté à se déplacer lors des
Victoires de la Musique. Mais je suis triste. Je me laisse tomber sur
le canapé et j'ai envie de chialer. Il se fout de ma gueule,
gentiment. Mais non, je n'ai pas envie. Je suis en colère. Pas
contre lui mais contre le connard. J'aurais dû assister à un
concert de Bashung, il y a un an de ça. J'avais le billet déjà
acheté et le logement trouvé. Mais je n'y suis pas allée parce que
c'était une menace pour le connard. J'aimais quelqu'un d'autre que
lui. Un chanteur cancéreux de plus de 60 berges que je n'avais
rencontré. Mais c'était quand même une menace. Si j'y allais, je
le trompais. Si j'y allais, je prendrais une raclée.
Je n'ai pas « osé
Joséphine » (mon deuxième prénom). «Je t'ai manqué»,
Bashung, à être pendant «tant de nuit», une «Vénus» accroché
«sur un trapèze». J'ai été une «madame [qui] rêve» qu'elle
«voyage en solitaire» mais qui reste figée «comme un légo».
Je lui raconte cette
histoire, à mon meilleur ami. Il ne dit rien. Ne comprends pas. Et
n'est ni violent. Ni misogyne. Ni obsédé par sa propre personne.
Alors il ne comprends qu'on puisse l'être. Je m'en veut presque de
lui avoir expliqué que ça pouvait exister, comme si j'avais balancé
à un gamin que le père Noël, c'est des conneries. La vérité en
pleine gueule. Des trucs moches arrivent. Et des fois, ça arrive à
des gens qu'on aime. On boit tout les deux. Je reçoit un énième
sms du connard. Il prend mon téléphone et lui répond quelque
chose. Je ne sais pas quoi mais ça le fait rire. Puis il me regarde
sérieusement «tu sais que c'est pas bien, hein?». J' hoche la
tête, la bouche cachée derrière mon verre que je m'empresse de
vider. «Faut jamais laisser ça arriver encore, d'accord?».
Re-hochage de tête. Je veux boire encore pour ne pas avoir à
parler. Merde mon verre est vide. Je me lève. Il me rattrape par le
bras «Je plaisante pas, tu sais. Faut pas sortir avec un mec juste
parce que tu crois que c'est le seul à pouvoir te trouver bien.»
J'arrive à me dégager, et prends une bouteille. J'ai les mains qui
tremblent, j'en fous partout sauf dans le verre. «Parce que c'est
pas le cas. C'est vraiment pas le cas».
Je me rassoie sur le lit,
le visage tourné vers la télévision mais je ne vois rien de la
rétrospective. Il se lève pour éteindre l'écran et, par je ne
sais quel miracle, arrive à parler d'autre chose, à me faire rire,
à me changer les idées. Je fais la DJ avec mes mp3 pendant qu' il
me raconte ce que j'ai raté ces derniers mois. On continue de boire
jusqu'à ce qu'il n'y ai plus rien. Je souris. Un miracle qui
s'appelle l'amitié, je crois.
Il se fait tard. On met
un film, il me prête un caleçon et un teeshirt et on se couche. Je
reste bien de mon côté, je fais bien attention à ne pas le frôler.
Il se fait tard. On arrête le film. Il éteint la lumière. Je me tourne sur le côté, vers lui. Lui aussi, est tourné vers moi. Je sens sa respiration. Il est proche. Il fait noir mais je sens qu'il est juste là, immobile, surement les yeux grands ouverts comme moi. J'entends mon coeur battre et il doit surement l'entendre aussi parce qu'il pourrait défoncer les murs. Je me rapproche d'un centimètre. Je me mords les lèvres. Je l'entends se rapprocher aussi. Son souffle tellement proche. Le bout de son nez qui frôle ma joue. Il se passe une éternité, ou peut-être juste les 3 minutes d'une chanson, avant que je n'embrasse mon meilleur ami. Et que l'on fasse l'amour.
14 commentaires
putain c'que t'écris bien !
RépondreSupprimerMerci! *blush*
Supprimergénial. trop beau
RépondreSupprimerOui, la suite stp!!!!!
RépondreSupprimerIl y aura une suite, très bientôt! ;-)
SupprimerLE PERE NOEL N'EXISTE PAS ????????????
RépondreSupprimerhahahahaha
SupprimerJe ne comprend pas qu'un mec puisse être violent avec une femme (même si des fois elles pourraient mériter une fessée ;)), il faut vraiment être très petit pour en arriver là.
RépondreSupprimerComment ça le père noël n'existe pas ?
Qui c'est qui met les cadeaux sous le sapin, alors ?
J'ai assez souvent connus ce genre de situation (je parle de soirée entre amis qui dérive) et j'en ai toujours gardé de bon souvenir :)
Et sinon en aillant autant bu, tu te rappel aussi de la soirée ????
@Trenty @Marion nous Chut!! Parlez moins fort, on risque de vous entendre!
SupprimerPour que ça se passe bien tout dépend du réveil et des attentes de chacun...
Et sinon oui, je tiens particulièrement bien l'alcool (enfin plus maintenant et ça me manque!)
Donc c'est bien une question d'age pour tenir l'alcool (parce que moi aussi je le tient moins bien, du moins au réveil :))
SupprimerQuoi que c'est peut-être parce qu'on boit moins souvent.
Ouai, ça doit être ça :)
la suite!!!!!!!!
RépondreSupprimerPutain, tes textes me passionnent. Moi aussi j'étais presque chialé quand j'ai su pour Bashung. Je me retrouve énormément dans ce post. Et en plus, j'habite à la Timone donc j'imagine clairement la scène.
RépondreSupprimerUn récit prenant, une fin en tout point identique à ce que j'ai pu vivre il y a quelques années... j'ai adoré ! Merci pour cela !
RépondreSupprimerVivement la suite !
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